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Le Colloque International “Teotihuacan cité des dieux”, Ière partie

Nous vous avons promis un résumé et des informations supplémentaires en ce qui concerne le Colloque International consacré à Teotihuacan qui a eu lieu le 8 et 9 octobre dernier dans le Théâtre Claude Lévi-Strauss du Musée du quai Branly… Chose promise, chose dûe ! Voici un résumé relatif aux interventions les plus intéressantes.

La première journée a commencé avec l’intervention d'Alejandro Sarabia Gonzalés, directeur de la Zone Archéologique de Teotihuacan. Le titre de sa présentation, « El complejo arquitectonico de la Piramide del Sol », nous emmène directement au cœur des différentes problématiques archéologiques mises en évidence par ce colloque.

Même si les fouilles de la Pyramide du Soleil ont commencé en 1905 grâce aux travaux de Leopoldo Batres, les connaissances spécifiques relatives à cet édifice restent minces. Le problème principal souligné par Sarabia est que la Pyramide du Soleil a été étudiée comme étant un édifice isolé, et pas comme la partie d’un ensemble d’édifices qui faisaient partie du centre religieux de la cité.


La Pyramide du Soleil, Teotihuacan.
Photo : B. LOBJOIS le 30/10/2004.

Après un bref aperçu des découvertes effectuées par les archéologues, à savoir le squelette d’un enfant sans matériel associé ainsi que quatre sculptures présentant des traces de peinture rouge et retrouvées dans la plateforme adossée à la pyramide, Sarabia aborde la partie centrale de l’analyse, c’est-à-dire une hypothèse de travail en ce qui concerne la décoration de la façade de la plateforme adossée à la Pyramide. La découverte de plusieurs fragments de sculptures représentant des félins a fait penser que la façade en était complètement ornée, dans un style comparable à celui de la Pyramide du Serpent à Plumes. Leopoldo Batres avait d’ailleurs supposé la même chose ; malheureusement on n’est pas encore en mesure de savoir si les deux édifices sont contemporains.

La décoration aurait été plus particulièrement composée par une série de têtes de félins alignées, et entourées, en haut et en bas, pas deux frises de chalchihuitl, symbole de fertilité. La Pyramide du Soleil pouvait un temple consacré au félin en tant que symbole d’une divinité.

La deuxième exposition, présentée par Sergio Gómez et Julie Gazzola, avait pour titre « Grupos de poder y cosmogonia. Escenificaciones rituales en el complejo de la Ciudadela ».

Ce travail avait le but de présenter les résultats des dernières campagnes de fouilles menées dans la Pyramide du Serpent à Plumes et la Ciudadela, une zone rituelle d’extraordinaire importance dans le centre sacré de Teotihuacan, fort probablement le lieu où les seigneurs accédaient au pouvoir,. Elle est placée exactement au centre de la croix qui divisait en quatre partie la cité, représentation du centre de l’univers.


Maquette de la Ciudadela, Musée de la ZAT.
Photo retrouvée le 24/10/2009 sur
http://www.common.wikipedia.org/Teotihuacan

Ruben Cabrera avait supposé l’existence d’une phase antérieure de la Ciudadela. Avant la construction de ce dernier ensemble d’édifices, en effet, il en existait d’autres, localisés par les archéologues et  interprétés comme liés au pouvoir politique. La découverte de fragments de grandes frises en est un exemple : ce qui reste d’un édifice également consacré au Serpent à Plumes mais antérieure à la Ciudadela. Une autre découverte a été la présence de pierres peintes avec du cinabre qui avaient été utilisées pour fermer l’accès à un tunnel qui pénétrait jusqu’au centre de la Pyramide du Serpent à Plumes. Dans ce contexte, la relation entre le tunnel et l’inframonde est évidente, celui-ci ayant été probablement reproduit culturellement à partir de la création d’un espace aquatique, tout comme on peut observer au Templo Mayor de México-Tenochtitlan.

Dans cette phase appelée Pre-Ciudadela, les fouilles ont détecté la présence, de ce qui, probablement, était un terrain consacré au jeu de balle. Les études menées sur le sujet laissent à penser qu’il a ensuite été détruit. Cette phase remonterait à une époque comprise entre 1-200 ap. J.-C. Sergio Gomez attire  particulièrement l’attention sur un ancien plan d’époque coloniale de la ville de Teotihuacan, où la Ciudadela est appelée « Tonalli y Tlaxiloya », c’est-à-dire « le soleil se couche » en langue nahuatl. Cette expression a été mise en relation avec la présence du terrain de jeu de balle, où se déroulait la lutte entre le soleil et les forces de la lumière contre les ténèbres et les forces de l’inframonde.

Les auteurs ont ensuite concentré l’attention sur les traces d’un important drainage localisé dans cette phase, caractérisé par la présence de 40 individus mutilés et décapités. L’hypothèse émise par les archéologues est que, après la destruction du champs de jeu de balle, l’intention fut de créer intentionnellement un espace rempli d’eau dans la Ciudadela ; un espace rituel qui pouvait accueillir une grande quantité de personnes et où avaient lieu les rites religieux les plus importants. Le mur qui entoure la Ciudadela n’aurait pas été construit parce qu’il s’agissait d’une forteresse militaire, mais probablement pour séparer les espaces profanes des espaces sacrés.

Le Colloque a continué avec les travaux présentés par Linda Manzanilla, dont le titre était « Sedes de poder y rituales de los gobernantes : el caso de Xalla, un conjunto palaciego en Teotihuacan ». Cet exposé a présenté le résumé des connaissances acquises sur les édifices faisant partie du Conjunto de Xalla, localisé au nord de la Pyramide du Soleil. La présence de plusieurs représentation d’une fleur à quatre pétales a été interprétée par Alfredo López Austin comme le possible glyphe emblème de la ville.



Le jaguar de Xalla
Photo : B. LOBJOIS. Prise le 20 novembre 2008.



Xalla pourrait en effet être l’ensemble d’édifices où habitaient les souverains de Teotihuacan, et l’iconographie de cet ensemble, caractérisée par la présence de félins, comme dans la Pyramide du Soleil, renforce cette hypothèse. Dans la place centrale de Xalla a été découvert un temple, vert à l’intérieur et rouge à l’extérieur, dont les façades est, nord et sud présentaient également une iconographie caractérisée par la présence du dieu de l’orage et de félins. Plusieurs figurines retrouvées dans l’ensemble font référence à la fertilité, tandis que d’autres ont été interprétées comme étant des représentations du dieu du feu et du dieu de l’orage.

Il y a également une statue sur l’identité de laquelle les spécialistes ne sont pas d’accord. Cette sculpture, qui représente un homme, a été vue comme l’image d’un ancêtre du groupe au pouvoir à Xalla, tandis que d’autres spécialistes supposent qu’il s’agit plutôt de la représentation d’une victime sacrifiée à coups de flèches, puisque les membres inférieures de la sculptures présentent des projectiles taillés en très bas-relief. A l’époque mexica on sait bien que le rite appelé tlacacaliztli, pendant lequel des prisonniers de guerre étaient tués à coups de flèches, était lié à Xipe Totec, dieu de la guerre et de la fertilité. L'iconographie teotihuacaine recèle à peu près toutes les formes de sacrifices : arrachement du coeur, par fléchage, démembrement et décapitation.



Homme fléché, sculpture, Teotihuacan.
Photo : B. LOBJOIS, prise le 14 décembre 2008.



Détail d'une pointe de flèche, sculpture, Teotihuacan.
Photo : B. LOBJOIS, prise le 14 décembre 2008.

Rendez-vous prochainement pour découvrir ensemble la IIème partie du Colloque !

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